La chute fait peur. Pas parce qu’elle est dangereuse. Mais parce qu’elle réveille tout ce qu’on n’a pas encore apprivoisé en nous.
La peur de la chute, le grand tabou des grimpeurs
Dès qu’on parle d’escalade en préparation mentale, il y a un sujet qui revient presque toujours : la peur de la chute.
Personne n’y échappe.
Le débutant, qui grimpe en salle, dans une pièce chauffée ou climatisée, à Paris, sur de gros tapis, parfois même en moulinette avec un enrouleur automatique.
Mais aussi celui qui part en grande voie, en terrain d’aventure, ou sur une face nord en alpinisme.
La chute fait peur. Toujours.
Et cette peur n’a rien d’anormal.
Elle est même fascinante.
Parce qu’elle révèle beaucoup plus de choses sur notre cerveau que sur la gravité.
Pourquoi la peur de la chute existe-t-elle ?
Notre cerveau est câblé pour avoir peur.
Et heureusement.
Les peurs primaires nous ont permis de survivre :
- peur du vide, du froid, des bruits forts,
- peur des animaux dangereux,
- peur de l’abandon, de la séparation…
Mais la peur de la chute, elle, n’en fait pas partie.
C’est une peur apprise.
Et les peurs apprises, elles ont trois origines principales :
1. L’éducation : “Ne monte pas là-dessus, tu vas tomber”
Dès l’enfance, on nous répète :
“Descends de là, tu vas te faire mal.”
“Ne monte pas sur le canapé, tu risques de tomber.”
À force, notre cerveau associe hauteur = danger.
Ce conditionnement crée une boucle réflexe : la simple idée de “chuter” active une alarme émotionnelle.
Même en salle, avec corde, baudrier et tapis, cette alarme se déclenche sans prévenir.
2. La transmission : les histoires qui se gravent dans le mental
Parfois, la peur vient de ce qu’on nous a raconté.
Un récit dramatique :
“Tu sais, un jour, je suis tombé dans cette voie et je me suis fracturé le tibia.”
Racontée avec assez de détails, cette histoire devient une trace émotionnelle aussi réelle que si on l’avait vécue.
Notre inconscient n’a pas besoin d’avoir expérimenté lui-même pour croire à un danger : il suffit d’un récit crédible pour que la peur s’imprime.
3. L’expérience (ou la mémoire traumatique)
Enfin, il y a la peur vécue.
Celle qui s’installe après une chute réelle, ou une scène à laquelle on a assisté.
Un vol mal rattrapé, un assurage brutal, un bruit sec, un cri.
Le cerveau, dans son rôle de protecteur, a alors enregistré :
“Je ne veux plus jamais revivre ça.”
Et dès qu’une situation lui semble similaire — une voie verticale, une corde tendue, un bruit métallique —, il enclenche la peur.
Sans nous demander notre avis.
Et parfois… la peur vient simplement de l’imagination
Certains grimpeurs n’ont jamais chuté.
Et pourtant, la peur est là, omniprésente.
Ils imaginent le scénario : “Si je tombe, je vais heurter le mur, me tordre la cheville, me faire mal.”
Cette peur imaginaire repose souvent sur un mélange d’images mentales, de récits entendus, et de micro-expériences accumulées.
Le cerveau ne fait pas bien la différence entre le réel et l’imaginaire.
Ce que vous imaginez avec intensité, il le vit comme une expérience vécue.
C’est pour cela que l’imagination peut entretenir une peur aussi intensément qu’un souvenir réel.
Identifier l’origine de sa peur : la première étape de la préparation mentale
Avant de chercher à la “combattre”, il faut comprendre d’où vient la peur.
Posez-vous les bonnes questions :
- Est-ce que j’ai vu une chute impressionnante ?
- Est-ce que j’ai vécu une mauvaise expérience ?
- Est-ce qu’on m’a transmis cette peur par le discours ?
- Ou est-ce que je l’imagine simplement ?
Nommer la peur, c’est déjà commencer à la désamorcer.
C’est le point de départ de toute préparation mentale en escalade.
L’hypnose : l’outil le plus puissant pour libérer les émotions liées à la peur de la chute
Une fois que l’origine est identifiée, la deuxième étape consiste à agir sur le ressenti émotionnel.
Et pour ça, l’hypnose reste l’un des outils les plus puissants.
Pourquoi ?
Parce que l’hypnose permet d’accéder directement à la zone du cerveau qui gère les émotions et les automatismes.
C’est un raccourci vers l’inconscient — là où la peur s’est installée.
Dès qu’il y a une émotion forte, une sensation intense, un blocage irrationnel, l’hypnose devient pertinente.
C’est ce qu’on enseigne et pratique dans les séances MIND et dans l’espace Le Refuge sur MentalCamp.
Entrer en état d’hypnose : la technique de la vision périphérique
Une méthode simple et efficace pour commencer est de passer par la vision périphérique.
C’est une technique d’induction rapide utilisée dans la préparation mentale des grimpeurs :
- Fixez un point devant vous.
- Sans bouger les yeux, élargissez votre champ de vision jusqu’à percevoir les bords de votre environnement.
- Ressentez comme votre respiration se calme et vos muscles se relâchent.
Vous êtes déjà en train de basculer dans un état de présence amplifiée, propice à la reprogrammation.
Revisiter la scène à l’origine de la peur
Une fois dans cet état, le travail consiste à remonter à l’origine de la peur.
Revoyez la scène — réelle, transmise, ou imaginaire — mais cette fois, depuis une position de spectateur.
Imaginez-vous en retrait, observant la scène avec bienveillance.
Ce changement de perspective permet à votre cerveau d’intégrer de nouvelles informations :
la peur devient un souvenir, non plus une menace.
Demandez-vous alors :
- Qu’aurais-je pu penser ou ressentir différemment ?
- Quelles conclusions aurais-je pu tirer si j’avais eu plus de recul ?
C’est là que vous devenez votre propre préparateur mental.
Tester pour valider : l’expérience comme antidote définitif
L’étape suivante est essentielle : retourner sur le mur.
Car rien ne remplace l’expérience.
Après un travail mental ou d’hypnose, il faut tester.
Pas pour prouver, mais pour verrouiller ce nouveau programme.
Votre corps et votre cerveau ont besoin d’un feedback concret pour enregistrer la nouvelle association :
“Je peux tomber sans danger. Je peux avoir confiance.”
Commencez petit : une voie simple, une chute contrôlée, un partenaire de confiance.
Puis augmentez progressivement.
C’est comme ça qu’on reprogramme le cerveau — par exposition progressive et succès répétés.
En résumé
La peur de la chute n’est pas un défaut.
C’est un signal, un message de protection souvent mal interprété.
Mais ce message peut être réécrit.
Avec la préparation mentale, l’hypnose, et un travail conscient d’exposition, il devient possible de transformer cette peur en vigilance utile, sans qu’elle ne prenne toute la place.
Pour aller plus loin : l’espace “Le Refuge” de MentalCamp
Si ce sujet résonne, sachez qu’un espace est dédié aux grimpeurs sur la plateforme MentalCamp :
👉 Le Refuge
C’est un lieu de partage et d’apprentissage autour de la préparation mentale en escalade, avec :
- des lives et replays toutes les deux semaines,
- des exercices guidés (dont celui sur la vision périphérique),
- des MIND dédiés à la peur du vol, à la concentration et à la gestion du stress.
Rejoignez la communauté pour progresser autrement : par la tête, le corps et l’expérience.
Parce que tomber, c’est aussi apprendre à se relever.