Pourquoi « Performance » est un gros mot ?

La performance est elle un gros mot

Pourquoi « Performance » est un gros mot ?

Dans le sport comme en entreprise, le mot performance fait grincer des dents. Il évoque la compétition, la pression, parfois la perte de sens. Beaucoup l’associent à l’épuisement, au sacrifice, à la quête du résultat à tout prix. On parle souvent de gagner sans se demander à quel prix. La performance n’est vu qu’au travers d’un verdict, pourtant elle englobe une démarche, la face cachée de l’iceberg. Elle ne se mesure pas seulement à la ligne d’arrivée, mais à la qualité du chemin parcouru.

Prenons un exemple. Lorsqu’un marathonien franchit la ligne avec quelques secondes d’avance sur son record, on célèbre sa performance. Mais la véritable question est : a-t-il avancé en conscience de ce qu’il engageait ? Son sommeil, sa famille, sa santé, son plaisir ? Cette question vaut autant pour le sportif que pour le dirigeant qui cherche à “performer” dans un environnement compétitif. Car au fond, la performance ne se juge pas à ce qu’on obtient, mais à ce qu’on construit et préserve en y arrivant.

« Cet article s’inscrit dans la série : Les mécanismes du mental : de la performance vers la liberté intérieure

Objectif de la série : offrir un parcours d’exploration du rapport à la performance, à la motivation et à la liberté mentale, pour aider sportifs et dirigeants à développer une performance alignée et durable.« 

La performance : un mot abîmé par l’époque

Dans l’imaginaire collectif, performer rime avec dominer. Notre société a longtemps valorisé le “toujours plus” : plus vite, plus haut, plus fort. Ce paradigme a confondu réussite et sacrifice. Dans le sport de haut niveau comme dans le monde de l’entreprise, cette vision engendre surcharge mentale, perte d’identité et rupture du lien humain.

Le sportif qui s’entraîne contre son corps, le manager qui travaille contre son équipe : tous deux cherchent à gagner, mais finissent par se perdre.

Ce glissement a transformé la performance en symbole d’exploitation — du temps, du corps, de l’humain. Pourtant, à l’origine, performer signifiait simplement accomplir une action avec efficacité. Rien à voir avec la domination ou la surenchère. Le sens s’est déformé, jusqu’à créer un fossé entre la réussite apparente et la satisfaction intérieure.

Aujourd’hui, il devient urgent de réhabiliter la performance comme un espace de croissance consciente, où l’exigence ne s’oppose plus à la bienveillance, mais la complète.

Quand la lutte se tourne contre soi

On entend souvent dire : « Je suis mon principal adversaire » ou « Je cours contre moi-même ». Ce discours, en apparence motivant, cache pourtant un paradoxe. Il suggère que toutes les parties de soi ne sont pas unies dans le projet, qu’une part résiste tandis qu’une autre force et impose.

En référence à l’analyse transactionnelle, on pourrait y voir un conflit entre nos différentes instances internes : le Parent exigeant, l’Enfant blessé, l’Adulte lucide. L’athlète qui se bat contre lui-même tente souvent de faire taire ou de dominer ces parts de lui qu’il juge faibles, paresseuses, ou craintives. Ce combat intérieur crée une tension permanente et mine la confiance.

La véritable performance, au contraire, naît d’une alliance entre ces parties. Elle suppose une forme de bienveillance intérieure, où chaque voix a sa place. Être performant, ce n’est pas faire taire ce qui doute, c’est écouter ce doute pour mieux le transformer. C’est passer d’un rapport de force à un rapport de coopération avec soi-même.

Et si la performance était d’abord une connaissance de soi ?

Les recherches en préparation mentale montrent que la performance durable repose sur l’alignement interne : la cohérence entre ses valeurs, ses émotions et ses actions. Être performant, ce n’est pas en faire plus, c’est agir plus justement. C’est accepter que la réussite extérieure n’a de sens que si elle s’aligne sur une intention intérieure claire.

Le sportif comme le dirigeant performant ne subissent pas la pression : ils la transforment en énergie dirigée. Ils savent où ils vont, pourquoi ils y vont, et à quel prix. Cette conscience leur permet d’entrer dans le flow, cet état de concentration absolue où la performance devient fluide, presque naturelle.

Outil pratique : identifie ton “driver” dominant — faire plaisir, être parfait, faire vite, faire fort, être fort. Note comment il influence ton comportement au quotidien. Puis demande-toi : « Est-ce que ce driver me sert, ou me consume ? » Le simple fait de le nommer est déjà une première libération.

La connaissance de soi est le socle de toute performance durable. Sans elle, on confond effort et agitation, exigence et rigidité, progrès et fuite en avant.

“En connaissance de cause” : la responsabilité invisible de la performance

Être performant en connaissance de cause, c’est savoir ce que l’on engage pour atteindre un objectif. Chaque action, chaque ambition a un coût — énergétique, émotionnel, relationnel — que beaucoup ignorent jusqu’à la rupture. C’est ce manque de conscience qui transforme parfois la performance en épuisement ou en désillusion.

Un sportif blessé après des mois de surcharge, un dirigeant vidé après un succès professionnel majeur : ces situations traduisent la même erreur, celle de la déconnexion. La lucidité devient alors un levier central : elle invite à mesurer ses ressources, ses besoins, ses limites avant de s’engager. C’est une écologie personnelle de la performance.

Outil concret : pratique l’auto-évaluation mentale avant chaque projet ou compétition.

Questions à se poser :

  1. Qu’est-ce que je cherche à prouver ?
  2. À quoi suis-je prêt à renoncer ?
  3. Qu’est-ce que je veux préserver ?

Ces trois questions simples ouvrent un espace de discernement. Elles transforment la performance en un choix, non en une contrainte.

La véritable puissance mentale ne réside pas dans la volonté brute, mais dans la clarté du sens. Un esprit lucide choisit sa direction avant d’accélérer.

Redéfinir la performance : un choix de valeurs, pas de résultats

La performance n’a pas de définition universelle. Elle se construit selon le contexte, la personnalité et les valeurs de chacun. Dans les modèles d’investissement du sportif, trois axes se distinguent :

  • Avoir : centré sur le résultat, la reconnaissance et la comparaison.
  • Faire : centré sur le processus, le travail, la progression.
  • Être : centré sur l’expérience vécue, la maîtrise, la signification.

Les performants durables sont ceux qui investissent leur énergie dans l’être et la maîtrise, plutôt que dans la conquête. Ils ne cherchent pas à être les meilleurs, mais à être justes. Cette posture change tout : elle déplace la motivation de la peur de perdre vers le plaisir d’agir.

Prenons l’exemple d’un capitaine d’équipe. Quand il se définit uniquement par la victoire, il subit la pression. Quand il se définit par la cohérence de son jeu, son impact, sa transmission, il crée un cadre porteur. Il devient un leader inspirant, capable d’entraîner sans écraser.

La performance devient alors un art de la présence, pas une course à la médaille.

Redéfinir la performance, c’est redonner au mot son humanité : celle d’un mouvement conscient, où l’ambition sert l’épanouissement plutôt que la domination.

Dans le prochain article, nous verrons comment se réconcilier avec son projet quand la performance devient un combat intérieur. : réconcilier exigence et sens

La performance n’est ni bonne ni mauvaise. Elle est un miroir. Ce qui la rend toxique, c’est l’inconscience de ce qu’on y engage. Ce qui la rend noble, c’est la clarté de l’intention.

Réconcilier exigence et sens, c’est refuser de choisir entre réussite et équilibre. C’est comprendre que l’efficacité ne s’oppose pas à la bienveillance, que le progrès ne doit pas effacer le plaisir, que la performance peut être un acte de conscience.

La véritable performance, c’est celle qui nous appartient, en toute connaissance de cause.

Et vous, quelle définition personnelle donnez-vous à la performance ? Prenez un moment pour l’écrire, la relire, la questionner. C’est souvent le premier pas vers une performance alignée, durable, en paix, Heureuse.

Laurent