Affronter un ultra-trail, c’est repousser les limites du corps, mais aussi de l’esprit. Après plusieurs heures d’effort, les coureurs doivent non seulement se reconstruire physiquement, mais aussi rétablir un équilibre mental et émotionnel. Cette phase de récupération, souvent sous-estimée, conditionne la performance future et le bien-être psychologique du sportif.
C’est précisément ce qu’a exploré Marvin Gaudino et son équipe dans une étude publiée en 2019 dans l’European Journal of Sport Science. Leur objectif : comprendre comment évoluent les états de stress et de récupération dans le mois qui suit une course d’ultra-endurance, et identifier les facteurs mentaux qui influencent cette trajectoire.
🎧 Pour aller plus loin : Écoutez notre podcast Mentalcamp avec Marvin Gaudino sur le stress et la performance.
Le mental au cœur de la récupération
L’étude de Marvin Gaudino, Guillaume Martinent, Guillaume Y. Millet et Michel Nicolas a suivi 29 coureurs ayant participé à un Mountain Ultra-Marathon (MUM). Pendant un mois, les chercheurs ont mesuré leurs niveaux de stress et de récupération à sept reprises : avant la course, puis à six moments différents après celle-ci. Les mesures ont été effectuées à l’aide du questionnaire RESTQ-Sport, un outil validé qui évalue l’équilibre entre stress et récupération sur les dimensions générales et sportives, complété par des auto-évaluations subjectives des athlètes.
L’analyse a révélé des trajectoires distinctes dans la manière dont les athlètes gèrent leur état mental :
- La récupération générale et totale s’améliore progressivement sur plusieurs semaines.
- Le stress général et spécifique au sport diminue de façon linéaire après la course.
- La récupération spécifique au sport suit une courbe en U, traduisant une alternance entre regain d’énergie et rechute de fatigue.
Cette dynamique traduit la complexité de la régulation mentale après un événement extrême : le corps se répare, mais le mental doit, lui aussi, trouver un nouvel équilibre.
Le rôle des évaluations mentales : comment l’esprit influence la récupération
L’un des apports majeurs de cette recherche concerne les évaluations mentales (appelées appraisals en anglais), c’est-à-dire la manière dont un individu interprète une situation. Deux types ont été distingués :
- L’évaluation primaire, qui détermine si l’événement est perçu comme une menace ou un défi.
- L’évaluation secondaire, qui évalue les ressources personnelles disponibles pour y faire face.
Les résultats montrent que :
- Une perception positive de la course favorise une meilleure récupération et une baisse plus rapide du stress.
- Les coureurs qui se sentent maîtres de leur expérience régulent plus efficacement leurs émotions et leur état physiologique.
Cette étude met en lumière le rôle fondamental de la perception du vécu : le sens attribué à la performance influence directement la qualité de la récupération mentale. En d’autres termes, la manière dont un athlète interprète son expérience sportive détermine l’intensité et la durée de sa récupération psychologique. Lorsqu’un coureur perçoit la course comme une réussite personnelle, même en cas de difficulté ou d’échec apparent, il active des mécanismes de restauration plus rapides. À l’inverse, si l’expérience est associée à un sentiment d’échec, de frustration ou d’injustice, le stress persiste et retarde la régénération mentale. La perception influence donc les processus physiologiques via la régulation émotionnelle et la production hormonale liée au stress. Le sportif qui donne du sens à son effort et qui comprend les apprentissages tirés de la course renforce son sentiment de contrôle et sa motivation. Cette réinterprétation positive du vécu devient alors un levier essentiel de résilience. En accompagnant cette réflexion, le préparateur mental aide l’athlète à transformer son expérience en ressource plutôt qu’en charge mentale, favorisant ainsi une récupération plus complète et durable.
Réguler le stress pour optimiser la performance
Les fluctuations du stress observées dans l’étude traduisent un processus adaptatif naturel : le corps et le mental cherchent à retrouver l’homéostasie. Toutefois, ce processus peut être perturbé si le sportif reste bloqué dans une interprétation négative de son expérience.
C’est ici qu’intervient la préparation mentale. Le préparateur aide le sportif à :
- Identifier les signaux internes de tension ou de fatigue.
- Utiliser des outils d’autohypnose pour réguler ses états émotionnels.
- Pratiquer l’imagerie mentale pour stimuler la récupération et restaurer la confiance.
Comme le présente Aymeric Guillot, spécialiste de l’imagerie motrice, l’entraînement mental par la visualisation permet de recréer les sensations de réussite et de contrôle, même au repos.
De la récupération à la résilience
L’analyse de Marvin Gaudino met en évidence un point central : la récupération n’est pas une phase passive. Elle constitue un processus actif de transformation où le sportif apprend de son expérience. L’accompagnant aide alors le sportif à comprendre ce qu’il vit, à en tirer des apprentissages et à renforcer sa résilience psychologique.
Le préparateur mental devient un facilitateur de sens : il aide l’athlète à décoder son expérience, à l’intégrer et à s’en servir pour mieux rebondir.
Conclusion : apprendre à récupérer, c’est apprendre à se connaître
La récupération post-compétition ne se résume pas à une question de repos. Elle implique une véritable rééducation mentale où le sportif redéfinit son rapport à l’effort, à la souffrance et à la performance. L’étude de Marvin Gaudino nous rappelle que la manière dont un athlète pense sa récupération détermine en grande partie sa capacité à rebondir.
💬 En préparation mentale, accompagner le sportif dans cette phase, c’est l’aider à faire sens de son expérience et à retrouver la fluidité mentale nécessaire à la performance durable.
🎧 À écouter : Podcast Mentalcamp – Stress et Performance avec Marvin Gaudino